À peine
2010
Peux peu. À peine.
Au point mort, assurément. Au bout du rouleau, possiblement.
Has been. Loser. Survivor.
Vous êtes nos assassins. Nous sommes votre crime.
Cela donne, plus précisément, dans mon cas ...
Vous êtes mes écraseurs. Je suis votre scrupule.
Nostalgie de la communion passée.
Et même plus ...
Mélancolie de la communion perdue.
C'est tout moi.
Laisser le temps me porter, me laisser porter par le temps.
Je ne sais pas, je n'y arrive pas.
Ne pas confondre leur pesanteur de balourds, insupportable,
et la lenteur qui savoure, appréciable.
Il n'est pas nécessaire de désespérer pour désentreprendre.
Doucement se laisser aller.
L'humanité tourne en rond, dans un monde qui ne tourne pas rond.
Crapulerie et ignominie se maintiennent. Bêtise et vulgarité progressent.
Quant au social, comme pour l'existence tout entière : « bricoler dans l'incurable ».
« Suicide social ». Oui bien sûr, vu l'état des choses. Seule voie possible pour les derniers des Justes. Seppuku ou hara-kiri pour les ultimes Samouraïs, ou plutôt Ronins.
Surface, eux.
Profondeur, nous.
Suite à déchéance... Déchu ?... Déchet !
« Solution » ordinaire, éprouvée par d'innombrables humains : l'alcool. Pour oublier la pesanteur présente, pour estomper l'horreur finale.
Autre chose nous sauvegarde.
Les sons du monde, d'abord.
La musique, enfin.
Le jour : petits sourires nés du chagrin, grands rires nés de l'angoisse.
La nuit : faibles larmes nées du chagrin, fortes suffocations nées de l'angoisse.
Régularité et exception, solitude et entourage, calme et animation, douceur et vigueur, eau et alcool, soleil et neige, mer et terre, jour et nuit, propreté et souillure, égalité et unicité, démocratie et absolutisme. Etc, etc, etc.
L'être humain, fondamentalement contradictoire, veut tout et son contraire. Il ne peut donc suivre une voie royale ; il ne peut que zigzaguer. « Bricoler », communément ; « danser » ou « jongler », s'il y parvient.
Caisse de résonance / de raisonance, face à des films, depuis vingt-huit ans. Il est temps de faire entendre ma propre musique, ma chanson à moi. Petite musique, petite chanson. Musiquette, chansonnette.
Depuis l'enfance, tout un chacun baigne dans des ritournelles mentales assez obsédantes et un peu délirantes – chansons, formules, babil. Elles sont la petite musique de notre existence.
Cela se tient au centre de nos vies. Cela seul importe.
Chantons, sous la pluie.
Au fond du fond, enfants tragiquement vieillissants, ne nous restent que des chansonnettes, des ritournelles.
Face à la conscience terrifiante de notre condition, quelques refrains consolateurs.
Tout le reste n'a pas grande importance. Cela seul compte vraiment.
« La vie est une ombre qui passe, un pauvre acteur qui, son heure durant, se pavane et s'agite et puis qu'on n'entend plus, une histoire contée par un idiot, pleine de bruit et de fureur, et qui ne veut rien dire. » (William Shakespeare)
« Les hommes sont si nécessairement fous que ce serait être fou, par un autre tour de folie, de n'être pas fou. » (Blaise Pascal)
« Tout à la déconne ! »
« La terre n'est qu'une roulette !... Rien ne va plus !... » (Louis-Ferdinand Céline)
« On n'est jamais si bien desservi(e) que par soi-même. » (René Solis)
« Mourir par auto-dissolution. (Se) défaire de la pensée par la pensée – suicide somptueux, dissolution délicieuse. » (Vladimir Nabokov)
« Le monde va trop vite, et quand on arrête de faire une chose on disparaît aussitôt. Il y a trop d'informations. Mais c'est libérateur aussi, comme de disparaître dans le désert. » (James Murphy, du groupe LCD Soundsystem)
« À l'époque, nous étions jeunes, beaux et stupides. Aujourd'hui, nous sommes juste stupides. » (Mick Jagger, en 2010)
« L'amour est la tentative d'échanger deux solitudes. » (José Ortega y Gasset)
« La solitude est devenue la seule aventure. » (Philippe Sollers)
« Je ne suis rien. Je ne serai jamais rien. Je ne peux vouloir être quoi que ce soit. À part cela, j'ai en moi tous les rêves du monde. » (Fernando Pessoa)
« La défaite a une dignité que n'a pas la victoire. » (Jorge Luis Borges)
« Avant, la situation était grave, mais pas désespérée. Maintenant, la situation est désespérée, mais ce n'est pas grave. » (Guy Jungblut)
« Oh, rage ! Oh, désespoir ! / Oh, vieillesse ennemie ! / N'ai-je donc tant vécu / que pour cette infamie ? » (Pierre Corneille)
« On est sorti comme on a pu de ces conflagrations funestes, plutôt de traviole, tout crabe baveux, à reculons, pattes en moins. » (Louis-Ferdinand Céline)
« Le sourire qui se lève après la fin du deuil de tout. » (Philippe Muray)
« Si tu as des pensées noires, si tu songes au suicide, va au bar !
Si ta femme t'a quitté, que tu n'en veux pas d'autre, va au bar !
Si tu hais tes contemporains autant que la solitude, va au bar ! »
(Peter Altenberg)
« L'humanité telle qu'elle est ne nous inspire plus qu'une curiosité mitigée. »
« Le monde est une souffrance déployée. »
« Rater sa vie, mais la rater de peu. » (Michel Houellebecq)
« Il était heureux, il était vaincu. » (Fabrice Humbert)
« L'égaré, ou le harassé, ou l'homme simplement très las qui parcourt ce récit et le monde ne désire peut-être que les voir s'effacer. » (Jean Genet)
« Nous voilà devenus l'oubli que nous serons. » (Jorge Luis Borges)
« La mort avant que nous mourions est tapie dans cette nuit, dans toutes les nuits. Elle vit sans cesse en face et nous fixe tel l'obscur mystérieux venu du puits sec où il n'est plus de rêve. » (Tarjei Vessas)
« Notre être malade de la vie qui sait qu'il va mourir et n'aime pas ça. » (Thomas, du groupe musical Radiosofa)
« Je veux mourir vivant. » (Luchino Visconti)
« La liberté, c'est l'absence d'idées. C'est ce que j'aime le mieux.
Alors voilà. J'ai retrouvé ces machins que j'aimais, qui ne sont pas des idées. Et je les cultive. C'est des sentiments. Ou plutôt des impressions. L'impression d'être bien. L'impression de comprendre. C'est la vraie vie. La vie proche. On se laisse aller. (...)
J'ai glissé peu à peu dans l'inconsistance, mais sans amertume. L'acceptation est un grand pas vers l'accomplissement. » (Robert Pinget)
« ... resting my bones, watching the ships rolling ... » (Otis Redding)