Lignes de vie

(Citations)

2008 / 2009

Nos vies ne tiennent qu'à un fil. Fil de mots, aussi bien,
qui nous bercent ou nous secouent.

Alors voilà, en vrac, des citations qui m'habitent.

Sorties tout droit de mes cahiers intimes.

Brutes de décoffrage.

Fatras hétérogène.

Décousu, même.

Ainsi soit-il.

Ces citations viennent surtout de lectures variées
(livres et journaux), mais aussi de chansons ou de films.

Elles peuvent être inexactes, ou transformées.
Elles n'ont pas de références précises.

Qu'importe.

« À détruire avec moi. »
(Billet de ma mère, laissé à sa mort)

« In girum imus nocte et consumimur igni. »
Nous tournons en rond dans la nuit et sommes consumés par le feu.
(Palindrome latin, repris par Guy Debord)

« Vous n'avez aucune chance, mais saisissez-la ! » (Arthur Schopenhauer)

« De défaite en défaite, jusqu'à la victoire. » (Groupes Medvedkine)

« Try again. Fail again. Fail better. » (Samuel Beckett)

« Je suis le fruit d'un jeu. » (Georges Bataille)

« L'homme est un cas tragique. Sinon, aurait-il inventé Dieu ? » (Georges Bataille)

« Ah ! Que la vie est quotidienne... Et, du plus vrai qu'on s'en souvienne, comme on fut piètre et sans génie. » (Jules Laforgue)

« On est comme ces bêtes trop battues, on se demande si un coup plus lourd que les autres ne serait pas une charité. » (Louis Ferdinand Céline)

« Tricher en musique l'horreur de vivre. » (Louis Ferdinand Céline)

« Les honneurs déshonorent. Le titre dégrade. La fonction abrutit. » (Gustave Flaubert)

« Abandonné, obscur, sans amour et sans vie, chaque jour plus amer. » (Giacomo Leopardi)

« J'ai cherché dans l'amour un sommeil oublieux / Mais l'amour n'est pour moi qu'un matelas d'aiguilles / Fait pour donner à boire à ces cruelles filles. » (Charles Baudelaire)

« Nicholas Ray est un individualiste amer et pessimiste : seul l'homme seul l'intéresse, ses efforts pour rompre sa solitude, son renoncement au bonheur. » (François Truffaut)

« On aime parce qu'on est seul, qu'on a peur, qu'on s'ennuie. » (Clash by Night de Fritz Lang)

« Mon cœur, ne parie plus, tu as perdu. » (Cabezas cortadas de Glauber Rocha)

« I am homeless, come and take me. » (Bob Dylan)

« L'amour ne peut être que clandestin, c'est sa définition. » (Philippe Sollers)

« Il accélère par souci de vivre, se répète par crainte d'être muet, se vante par peur d'être mal aimé. » (Philippe Lançon, sur Philippe Sollers)

« Les névrosés sont ceux qui croient au bonheur. » (Jacques Lacan)

« Se masturbant l'existence. » (Fernand Deligny)

« C'est un mort qui vous parle d'un autre. » (Abel Gance, hommage funèbre à Jean Epstein)

« Seul – c'est-à-dire ayant pour demeure ce qui est et non ce qui paraît. » (Paul Valéry)

« Nous ne sommes que ‘hasardés’ avant de devenir ‘hasardeux’. » (Pierre Klossowski)

« Être soi-même !... Mais soi-même en vaut-il la peine ? » (Paul Valéry)

« Le bonheur du solitaire est négatif, et moine ; mais je crois bien que c'est la seule forme de bonheur qui soit accessible dans cette vallée de larmes. » (Roger Martin du Gard)

« Nous sommes des êtres discontinus, mourant isolément dans une aventure inintelligible, mais nous avons la nostalgie de la continuité perdue. » (Georges Bataille)

« Accepter le non-sens total derrière la conscience totale. » (Scènes de la vie conjugale d'Ingmar Bergman)

« Tout est égal / Arrive ce qui peut. » (Der Leiermann de Franz Schubert)

« Il n'y a donc pas de place pour moi sur cette terre ? » (Franz Schubert, mourant)

« Abandonnés, nous le sommes comme des enfants égarés dans la forêt. » (Franz Kafka)

« Qui saura quelle douceur me soutient, quelle insolence d'amant, soudain quelle furie décisive ? »

« Ma douceur : angoisse et amour, tendresse et larmes s'épousent. Le bien, le mal s'épousent. »

« On imagine mal la tendresse du petit condamné à la mauvaise conscience. »

« Ce Dieu qui sous les nuées nous anime est fou. Je le sais, je le suis. »

« Rire, heureux et maudit, ignorant, ingénu. »

(Georges Bataille, Le Petit)

« Je suis peut-être un raté, mais ce ratage est réussi. » (Un jeune chanteur contemporain)

« Ô, l'ange des plaisir perdus / Ô, rumeur d'une autre habitude / Mes désirs dès lors ne sont plus / Qu'un chagrin de ma solitude. » (Léo Ferré)

« Hier et demain, je m'en fous / Le présent seul vaut le coup / Hier je naissais dans un choux / Demain j'serai mort, c'est tout. » (Henri Tachan)

« Le monde est triste et beau. » (Giacomo Leopardi)

« L'empire de la beauté est plus vaste que le monde de la morale. » (Jean-Pierre Limosin, d'après Friedrich Nietzsche)

« L'homme souverain de Sade : Ceux qui échappent à la raison, la pègre, les rois. » (Georges Bataille)

« Il n'y a de décisif que l'individu qui se bat à contre-courant. » (Franz Kafka)

« Nous sommes tous arrogants et en même temps timides. C'est ainsi que l'esprit fonctionne : plein de suffisance, et rongé de doutes. » (Un jeune chanteur contemporain)

« Nous sommes faits pour nous tromper. La seule chose qu'on puisse faire, c'est se tromper sincèrement. » (Victoria Ocampo)

« N'être plus que ce squelette que nous trimballons. » (Régis Jauffret)

« Ce truc qu'on appelle ma vie. » (Samuel Beckett)

« Et moi dans mon coin / J'irai solitaire / Je saurai me taire / Je ne dirai rien. » (Georges Moustaki)

« Le cinéma est né à un moment où l'homme était déjà trop vieux. » (Antonio López, cité par Víctor Erice)

« Voici venu l'hiver de mon mécontentement. » (William Shakespeare)

« La sensation ancienne d'être hors de la fête. » (Annie Ernaux)

« Plus lourde que montagne au large, la vie. (...) Légère comme plume d'outarde, si tu la lies, à une autre vie, ta vie. » (Félix Leclerc)

« Quis ego et qualis ego ? » Qui suis-je et que suis-je ? (Saint Augustin)

« Il faut garder une arrière-boutique toute nôtre. » (Montaigne)

« La poésie est le réel absolu. » (Novalis)

« La poésie est l'éternité. C'est la mer allée avec le soleil. » (Georges Bataille, d'après Arthur Rimbaud)

« En art, retirer est parfaire. Disparaître t'a figé dans ta beauté négative. »

« Les bonheurs que tu connus furent des grâces. Tu pouvais en comprendre les causes, mais pas les reproduire. »

(Suicide, d'Édouard Levé)

« L'homme mène une existence solitaire, misérable, difficile, sauvage et brève. » (Thomas Hobbes)

« N'avoir jamais pu vivre, ni pensé vivre, qu'en possédé. » (Antonin Artaud)

« N'ayant pu me corrompre, ils m'ont assassiné. » (Marcel Duchamp)

« Les gens, ils conviendrait de ne les connaître que de loin. » (Léo Ferré)

« Mieux vaut être seul que mal accompagné. » (João César Monteiro)

« En désespoir de cause. » (Samuel Beckett, exergue de Molloy)

« Il faut effacer ce monde avec ce qu'on fait. » (Bram van Velde)

« Une retraite sans fin au delà de tout sérieux, le repos dans la puerilité absolue. »

« Malgré tout ce que faisait la vie pour se faire détester, (il) continuerait à aimer la vie. »

« Seulement être, merveilleusement être, parmi les éphémères et les soleils déclinants. »

(Maurice Blanchot, Thomas l'obscur)

« Je suis une ressasseuse. Et parfois, à force de ressasser, je m'ennuie moi-même. » (Chantal Akerman)

« Mon indépendance, qui est ma force, induit ma solitude, qui est ma faiblesse. » (Pier Paolo Pasolini)

« J'étais déjà en deuil de moi-même. » (Jean-Luc Godard)

« Et je voyais ce qu'on pressent quand on pressent l'entrevoyure. » (Léo Ferré)

« La vie ne vaut rien, mais rien ne vaut la vie. » (Alain Souchon)

« Ne vous emmerdez plus : merdifiez ! » (Slogan situationniste)

« Deviens qui tu es. » (Friedrich Nietzsche)

« Mes faibles merveilles. » (Louis Aragon, chanté par Léo Ferré)

« Ça va mal aller pour l'humanité, vraiment très mal. Comme jamais. Mais ça ira quand même... » (Walter Benjamin)

« Celui qui se perd dans sa passion a moins perdu que celui qui perd sa passion. » (Saint Augustin)

« J'écris comme si j'allais mourir demain. Mais qu'ici ou là on ne se réjouisse pas trop vite, je ne promets rien. » (Guy Bedos)

« La seule expression sentimentale que je respecte est le désespoir. » (Rainer Werner Fassbinder)

« Il y a longtemps que je t'aime, jamais je ne t'oublierai. » (Vieille chanson populaire)

« On ne vit pas même une fois. » (Karl Krauss)

« Je sais que j'existe parce que mon petit chien me reconnaît. » (Gertrude Stein)

« Je ne suis pas en conflit avec Dieu, mais avec les hommes. » (Charles Chaplin)

« N'avoir rien eu à dire et avoir voulu l'exprimer. » (Edmond Jabès)

« Sois nomade : change le sable du sablier en poudre d'escampette. » (Formule situationniste)

« Docteur en rien. » (Réplique dans Shanghai Gesture de Josef von Sternberg, formule reprise par Guy Debord)

« Et tu chantonneras comme un enfant bercé. » (Rimbaud)

« Sans rien en lui qui pèse ou qui pose. » (Verlaine)

« Ces enfants seuls étaient ses familiers. » (Rimbaud)

« Jadis, déjà : combien pourtant je me rappelle. » (Verlaine)

« On ne peut fuir la défaite sans avenir. » (Rimbaud)

« Tant qu'il y aura de la vie, il y aura dorénavant du désespoir. » (Herman Melville)

« Nos semblables : misérables comme nous, impuissants comme nous. On mourra seul. » (Blaise Pascal)

« Il faut vivre l'absurde ou mourir. »

« Délivrez nous de cette hantise de mal vivre le peu que nous avons à vivre. »

« Il n'est jamais que l'heure nauséabonde du retour à soi-même. Il faudrait être fou et ce n'est pas facile. »

« Renoncer. Se reconnaître pour nul et tâcher ainsi de vivre en paix si on le peut. »

(Louis Calaferte, Septentrion)

« Ne me secouez pas, je suis plein de larmes. » (Henri Calet)

« La magnifique et lamentable famille des nerveux est le sel de la terre. » (Marcel Proust)

« Exister c'est déranger. »

« Être moderne, c'est bricoler dans l'Incurable. » (E.M. Cioran)

« Pour moi, la vie était un drame. Ou plutôt, le drame était la vie même. » (Osamu Dazai)

« Ô vie, tu n'aurais pas dû commencer ! Mais, puisque tu as commencé, tu ne devrais jamais finir ! » (Baltasar Gracián)

« Aujourd'hui, vivants, demain, morts, que nous importe d'amasser et de ménager. » (Alexandre Œxmelin, pirate du XVIIème siècle)

« On est venu au monde sans rien, on le quitte sans rien. Il faut voyager légers. » (Ma mère, mourante)

« Chaque femme, dans son éloignement, constitue peut-être l'une des figures de ma mort. » (Gilbert Lascault)

« Videt et considerat. » Il voit et il considère. (François Couperin, Leçons de Ténèbres)

« Un certain appétit de bonheur et un certain abandon au malheur. Cet équilibre, ou ce déséquilibre, chez une personne, varie peu. » (Françoise Sagan)

« Weltschmerz : le sentiment que sa propre tristesse est intrinsèquement liée à la tristesse du monde. » (Marianne Faithfull)

« Et je n'ai qu'un grief. Celui de n'avoir été que moi. » (Michel Dorsday)

« Comme si n'était juste pour lui que ce qui fait son malheur. » (Pier Paolo Pasolini)

« Le halètement, le tremblement, vers l'être révolu, devant l'être à venir. » (Samuel Beckett)

« Je suis dans mes bras, je me tiens dans mes bras, sans trop de tendresse, mais fidèlement, fidèlement. » (Samuel Beckett)

« Il faut savoir regarder la réalité en farce. » (Auteur ignoré)

« Qu'est-ce que nous foutons là ? Qui nous maintient ici ? Pourquoi ne peut-on pas s'en aller ? » (Antonin Artaud)

« Je regarde le monde comme quelque chose d'incompréhensible. » (Jean-Luc Godard, Numéro deux)

« Un homme c'est pas assez pour une femme, ou bien c'est trop. » (Jean-Luc Godard, Nouvelle Vague)

« Je fuis, pâle, défait, hanté par mon linceul,
Ayant peur de mourir lorsque je couche seul. » (Stéphane Mallarmé)

« Et dans l'odeur des prés qui bientôt s'éteindra, Je sais que j'aurai peur une dernière fois. » (Jacques Brel)

« Puisqu'on est seuls ; puisqu'ils sont si nombreux. » (Francis Cabrel)

« Le ‘trognon’ de chacun est une effarante solitude, et tout ce qui vous rattache à d'autres ou à autre chose fait question. » (Benoît Jacquot)

« Tout a cuit et tous sont cuits. » (Fiodor Dostoïevski)

« Faillite de tout à cause de tous ! Faillite de tous à cause de tout ! » (Fernando Pessoa)

« La société se croit seule, mais il y a quelqu'un. » (Antonin Artaud)

« C'est moi qui ... Ce sont les autres qui ne pas ... » (Henri Michaux)

« Si je suis seul, je désire ne pas l'être. Si je ne le suis pas, je désire être seul. Finalement, je veux toujours être comme je ne suis pas. » (Fernando Pessoa)

« La réalité dépasse l'affliction. » (Un internaute cité par Libération)

« Il comprit que les choses étaient exactement ce qu'elles étaient, et cela lui parut au-dessus de ses forces. » (Thomas Pynchon)

« Dépaysé, malade, furieux, bête, renversé. » (Arthur Rimbaud, sur lui-même, à Georges Izambard)

« Avoir une conscience trop développée, c'est une maladie. » (Fiodor Dostoïevski)

« Et là nous dormirons / Et là nous dormirons / Jusqu'à la fin du monde, lonla / Jusqu'à la fin du monde. » (Ancienne chanson populaire)

« Couchez-moi, s'il vous plait / Couchez-moi doucement / En adolescence. » (Henri Tachan)

« Parti de rien, il n'est arrivé nulle part – trajectoire exemplaire. » (D'après Jean-Pierre Martinet)

« Je vous débarrasse. Je m'éloigne. Je disparais. (...) Je viens de loin. Et je vais loin. J'irai seule. » (Hélène Bessette)

« Totus mundus agit histrionem. » Tout le monde fait l'acteur. (Proverbe latin)

« Je suis déprimé à la manière d'un chou dévoré par les limaces ». (Samuel Beckett)

« Le scandale de la répétition et le scandale de l'oubli » : nos vies entre ces Charybde et Scylla. (Milan Kundera)

« Répétition ! Je sais pourtant : l'essentiel n'est pas d'espérer une vie sans redite, mais de faire de cette inévitable répétition, de son plein gré (malgré la contrainte), sa vie même, en reconnaissant : Voilà qui je suis ! » (Max Frisch)

« La meilleure chose, c'est de ne pas penser à toi tout le temps, d'effleurer le passé et de vivre avec énergie dans le présent. » (Mick Jones, ex du groupe Clash)

« C'est comment qu'on freine ? J'voudrais descendre de là. » (Alain Bashung)

« J'ai une horreur pré-natale pour la contrainte. »

« Je suis affreux à vivre. (...) La régularité de la vie, la réalité de la vie m'écrase. »

(Louis-Ferdinand Céline, Lettres)

« Maintenant que mam. est morte, je suis acculé à la mort : rien ne m'en sépare plus que le temps. » (Roland Barthes)

« Mon corps s'en va descendre où tout se désassemble. » (François Villon)

« Priez pour lui, il enrage pour vous. » (Henri Michaux)

« La sagesse n'est pas venue. La parole s'étrangle davantage, mais la sagesse n'est pas venue. »

« À l'aurore de la vieillesse, je cherche toujours le petit barrage lointain en mon enfance par ma fierté édifié. Petit barrage que je fis, croyant bien faire, croyant merveille faire, et me placer en forteresse non délogeable. Petit barrage trop solide que ma résistance fit. »

« Il est venu avec les pluies, mon camarade, celui qu'on dit que chacun a dans son dos. Il est venu avec les pluies, triste, et il ne s'est pas encore séché. Je me lasse à présent. Mes forces, mes dernières forces... Son vêtement mouillé – ou est-ce déjà le mien ? – me fait tressaillir. Il va falloir rentrer. »

(Henri Michaux)